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Corinna Bille dans la maison de Veyras. Entretien avec le journaliste Boris Acquadro (21.12.1961). Préface [Emission TV, extrait]. RTS.

Corinna Bille dans la maison de Veyras. Entretien avec le journaliste Boris Acquadro (21.12.1961). Préface [Emission TV, extrait]. RTS.

On surprit des rondes, la nuit. Oui, ces garçons et ces filles se promenaient en cortège autour des étangs, extasiés, inlassables, pendant des heures. On les voyait parfois accompagnés de chèvres, de biches, de porcs sauvages et d’animaux très bizarres qu’ils chevauchaient. On disait qu’à leur contact, les oiseaux, les baies noirâtres, les fleurs et les papillons devenaient plus grands que nature. Que tout, devant eux, se révélait sournoisement doué de démesure et d’ubiquité.
Mais ils avaient une telle beauté et semblaient avec tant de nonchalante inquiétude quêter le bonheur terrestre, que bien des curieux venus pour les maudire s’en retournaient médusés.

Corinna Bille, « Les Etangs de brume », Le Salon ovale, 1976.

Corinna Bille, « Ma forêt, mon fleuve », La Fraise noire, 1968.
Maison du bois de Finges (état actuel, 2023), construite par l’architecte Jean Suter pour le couple Bille-Chappaz en 1948.

Jeu de piste

En validant cette étape, tu obtiendras une des 16 parties du tableau final qui te permettra de participer au tirage au sort !

Géographie intime

Depuis son enfance, passée entre le castel du Paradou à Sierre et le chalet de Chandolin, jusqu’à sa mort, Corinna (1912-1979) reste fidèle à sa géographie intime.

En 1942, elle rencontre Maurice Chappaz. Le couple a l’écriture en partage et le nomadisme comme mode de vie. De 1944 à 1947, à Geesch près de Rarogne, le quotidien est frugal mais plein d’un accord profond au monde. Dès 1948, la vie se partage entre la maisonnette de Finges et l’Abbaye du Châble. Lieu de multiples résonances, la forêt de Finges que traverse le Rhône symbolise le lien à Maurice, mais surtout l’un des substrats essentiels de son univers poétique. Les eaux dormantes des étangs et le Rhône impétueux, la forêt des noces végétales et la terre, matière porteuse de vie, travaillent l’imaginaire de l’écrivaine.

En 1958, la maison ” rose ” de Veyras constitue le premier lieu où se fixe durablement le couple. De ce port d’attache, seuls ou ensemble, ils font de nombreux voyages à l’étranger. Dans une tension féconde, leur existence sans cesse oscille entre l’ici et l’ailleurs.

Le saviez-vous ?

Stéphanie C. Bille naît du mariage de deux milieux très différents, qu’elle inscrit au cœur de son œuvre littéraire : celui de son père Edmond Bille, Neuchâtelois protestant, issu d’une famille bourgeoise, et celui de sa mère Catherine Tapparel, Valaisanne d’origine paysanne. De son père peintre-verrier, qui l’encourage sur la voie de l’écriture, elle hérite un regard pictural sur le monde. De sa mère, elle tire l’influence du lieu, que rappelle son pseudonyme ” Corinna ”, issu de Corin le village maternel, ainsi que l’esprit d’une passeuse d’histoires.

Je te porterais bien, tout entière sur ma coiffe – comme les bergers d’Appenzell à Nouvel An – maison de Veyras, ocre rose dans le gris, dans le vert, dans le roux des vergers. Avec son toit d’ardoise et ses volets bleutés, avec l’étonnement – le mien – de ses fenêtres arquées que voilent les feuilles montantes des lilas et des figuiers. J’ouvre la porte et que vois-je ? D’autres maisons roses aux fenêtres arquées, des magasins et des chambres de poupées. Sur les rayons et les chaises, plus de livres qu’il n’en faut pour lire trois cents années. Des gemmes et des fleurs, et des coquilles de mille marées. Et dans l’obscur, les yeux hyacinthe du chat, les deux escarboucles de ma chienne Syrah.
Ainsi est ma chère petite maison.

Corinna Bille, “La chère petite maison”, dans : Cent petites histoires d’amour, Bertil Galland, Lausanne, 1978